Boetius [i.e. Boethius] varia opuscola est l’unique incunable que détient la Bibliothèque de l’EPFL. Imprimé à Venise en 1497 et 1499, par Johannes de Gregoriis, de Forlivio, il contient deux textes de Boethius, plus connu sous le nom de Boèce.
Qu’est-ce qu’un incunable ? Un livre imprimé en Europe avant 1501. C’est dans la vallée du Rhin moyen, principalement à Mayence et à Strasbourg, que l’imprimerie est apparue et s’est étendue peu à peu à en Europe et dans le monde entier. « Elle est exercée à Venise à partir de 1469 (par Johann de Spire) et la Sérénissime s’impose bientôt comme le principal centre de production imprimée à la fin du XVe siècle : sur quelque 30 000 éditions incunables, environ 4 500 sont d’origine vénitienne [1] ».
Il s’agit ici d’un bel état d’incunable, où seul le recto des pages est numéroté. La reliure est en parchemin souple. L’adresse et la date sont mentionnés à la fin, dans une note imprimée appelée le colophon. Ce type d’inscription, qui est une spécificité des incunables et des manuscrits, migrera vers le début des ouvrages au fil des années et sera remplacé par la page de titre.
L’ouvrage est publié en latin. « L’essor de l’imprimerie donne au phénomène de diversification linguistique une dimension nouvelle. Cependant la production en latin continue à dominer largement. Cette domination tend à s’affaiblir dans la seconde moitié du XV° siècle [2] » bien que nous soyons encore à environ 71% de titres en latin en 1497.
Anicius Manlius Severinus Boethius est né à Rome vers 480 où il a reçu une bonne éducation. Il est certainement l’écrivain, le poète et le philosophe le plus distingué de son époque.
« Sa connaissance approfondie du grec et des philosophes helléniques n’a pas d’égal dans cette époque où la civilisation romaine est en train de s’écrouler sous la pression des Huns et des Ostrogoths. Boèce est tout à fait conscient du déclin de la vitalité intellectuelle de ses contemporains […]. Il annonce son intention de traduire en latin les œuvres d’Aristote et Platon [3]».
Le document est composé de deux parties. La première contient De arithmetica, de Musica, et de Geometria. Certaines gravures du document montrent le lien que Boèce entretenait avec les mathématiques et la musique.
De philosophie consolatione (524), l’une de ses œuvres principales, constitue la deuxième partie de cet incunable. Rédigé en prison lorsque Boèce tomba en disgrâce sous Théodoric le Grand après avoir tenté de rétablir de bonnes relations avec l’empereur orthodoxe à Constantinople, cet écrit alternant la prose et la poésie deviendra une œuvre des plus influentes. «C’est la méditation sur la condition humaine d’un homme qui, après tant d’injustice et de maltraitance, essaie de comprendre le sens de sa souffrance et l’existence du bien et du mal dans le monde [4] ». Cet ouvrage fut le plus lu à l’époque médiévale après la Bible.